Les défis du siècle se laisseraient-ils aborder par l’insoupçonné clandestin vertueux de son audace ? À l’heure de mésententes sociales, de guerres silencieuses et de génocides, d’intérêts géopolitiques et d’alliances nucléaires, d’empires usuriers, d’esclavage moderne, de la célébration d’une sexualisation générale, d’une hyper-connexion mais de désinformations, de catastrophes naturelles et d’extinctions accélérées, en période de soulèvements de populations et pourtant de la glorification de l’ignorance, de campagnes truquées, de lanceurs d’alerte exilés ou détenus quand ils n’ont pas été tués, de rapports médicaux terrifiants, de financements terroristes et de pollution de masse ; assurément, on demandera à l’apparent rombier qui il est pour traiter ces matières. Non pas qu’il y ait quoi que se soit de nouveau dans l’errance imbécile, autodestructrice et millénaire de celui que l’ironie nomme Homo sapiens. Le cycle actuel s’avère présenter, tout de même, diverses novations. Eh bien, à défaut de titres, plusieurs traits de caractère seront ici présentés.
Étant libéré du poids de quelconque réputation ou appartenance ainsi que de leurs enjeux, j’accorde carte blanche au fluide des propos. Ceux-ci précèdent donc les qualifications et curriculums et c’est par les mêmes que j’ai espoir d’être pris en compte. Ce n’est pas pour de suite, nous le savons. Il faudra compter des lunes nouvelles et pleines pour que, débarrassé du vieux manteau usé de ses préjugés stériles, le collectif bien-pensant accorde un juste moment aux individus sans renommées ne pouvant être qu’inadaptés au circuit de la normalité. C’est pour cette raison qu’il siéra de contracter les temps, comme ils m’apparaissent défilant en images mentales le long de banderoles obliques et grisées de brumes synesthésiques.
Si de l’enfance à ce jour, la question « Pourquoi ? » peut n’avoir eu de cesse que d’attiser un appétit, n’est-ce pas, justement, au cours de méditations souvent involontaires que s’éclaircissent plusieurs objets concernant le monde ? Le profil fraternel à qui est adressée cette capsule saura la mâcher et la digérer avec satisfaction. À l’inverse, voici que le contemplatif, durant toute son existence, aurait affaire à des individus projetant leurs paresses d’esprit sur leur interlocuteur. Parce qu’ils ne ressentirent jamais d’appétence à creuser tel ou tel sujet, alors il ne pouvait en être autrement pour celui-là. Sérieux sceptiques — en fait complètement croyants — leur dogme demeurant toujours le même : il ne peut que dire n’importe quoi ou, pire, oser mentir. Cela causerait problème à celui de type authentique ne sachant que faire vraiment de ces situations qu’il ponctue par le silence d’une frustration, et parfois allant jusqu’à couper court toute relation. Peu de perspectives d’avenir… Volontiers, un rappel salvateur viendra au secours de ses ruminations fractales pour l’aider à accepter le cheminement de chacun. La plus grande et sévère critique porte sa voix qui ne manque pas de pousser à la considération d’occasionnelles lacunes argumentaires en contexte oral imprévu, sans quoi convaincre un adversaire continuera d’être fastidieux. Un chercheur en lucidité fait simplement bon choix d’envisager, avant tout, son tort. Il est frère, oncle, cousin, fils et petit-fils, amis, connaissance, ex-copain et par la force des choses citoyen, consommateur et client. Un bizarre coup du sort rendit, en toutes ces qualités, la vision d’un reflet si rare qu’il lui fallut lire les mots de vieux japonais, chinois, tibétains et autes indiens pour ressembler à quelqu’un, au moins en principes. Qui étaient ces personnes poussiéreuses qu’on disait “sages”, “maîtres”, originaires d’Égypte et de Grèce chez qui il sentira une partie interne s’animer comme à l’étude, plus tard, de “penseurs” et “philosophes” européens aux portraits noirs et blancs ? S’entêteront beaucoup d’hommes offusqués, précipitant leurs émotions révélatrices. Certains d’entre eux iront jusqu’à me reprocher l’étalage d’un égo maladroit dans d’anciennes œuvres. « On ne saute pas de la culture urbaine aux arts nobles ! » Je les entends bien, déjà, monotâches, normo-pensants et carriéristes, m’incriminer d’un passé et détourner le flux de ma jeunesse pour souligner une compétitivité et une fougue adolescente, peut-être vaniteuse, et tristement propres aux acteurs inconscients du milieu. Dans cette vexation, on m’enlèvera mes années d’école nationale et de conservatoire. Soit. Pointeront-ils, pour me discréditer, l’absence de grand succès dans mes projets d’antan ? Et à raison… Mais dans les faits, les domaines artistiques modernes et populaires m’ont toujours amusé d’abord, restreint ensuite, contraint, comme une cellule de rythmes, de jargons, de tendances, de schémas, de personnalités et de thèmes dont j’ai inévitablement fini par me lasser, rêvant plus. Comme dans la vie, je m’y suis immanquablement senti solitaire en pleine foule et n’ai pas rencontré de réel pair malgré mes nombreuses tentatives de collaborations en guise de sondages ; personne n’a répondu à ma rigueur expérimentale et pratique, peut-être parfois extrême, en termes d’investigation, de vision civilisationnelle ou d’élucidation des interrogations existentielles par les divers prismes de traditions anciennes et modernes. Oui… prévisiblement, désertions scolaires et amoureuses me seront ressassés, dans ce même élan aveugle aux nuits blanches et autodidactiques de ma vie, dédicacées à la recherche, à l’apprentissage et à la création.
Raboter tout l’anticonforme semble se vouloir la devise d’un tas de gens. J’en ai bien peur. N’est-ce pas par l’imparfait dérangeant — de prophétiques erreurs — que l’on révèle, des fois, l’infini des vérités ?
Alors, le scientifique explore, en vrai.
Vivre pour muer. S’adapter pour s’enseigner. Concilier pour manifester.
Car il plaît à croire que c’est une providence, certainement couplée à une dangereuse insouciance, qui amène le quidam profond à côtoyer sans domiciles et millionnaires, prostituées et professeurs, imams et évangélistes, stripteaseuses et mères mariées, militaires et psychologues avenantes, dealers et entrepreneurs, universitaires et rats de quartier, mannequins et cocaïnomanes, témoins de Jehovah et alcooliques, suicidaires et patriotes, alchimistes et combattants de rue, des pathologiques mentaux, des médecins, certains grands athlètes, d’autres réfugiés politiques, propriétaires de rues ou de clubs, homo, pan et sapiosexuels, banquières et ministres à la culture, racistes inavoués et khémites afrocentristes, gradés sociologues, juifs orthodoxes, rastafaris, ingénieurs et libertins, respirianistes et carnivores, ceintures noires et mixologues, anciens détenus et humanitaristes, écorchés vifs puis gamers, conjointes violentes, cadavres et policiers, aviateurs et gardes du corps, cambrioleurs et hackers, spiritistes, créatifs de toute sorte, vietnamiens, russes, bosniaques, gitans, marocains, sénégalais, canadiens, cheyennes, créoles ou encore vénézuéliens, bref enfin, jeunes et vieux : une aubaine pour l’observateur systémique, doux vampire butineur : une malédiction pour l’hypersensible naïf. Ce dernier reste en tout temps conscient de son environnement, le défait et l’analyse parce qu’il ne suffirait jamais d’être bien entouré pour percer les voiles du vivant, encore faudrait-il déchiffrer les réallités inconscientes que chaque être transporte. La curiosité le rongera encore et malgré cette incapacité à s’attacher fort et durablement avec la majorité, c’est avec véhémence qu’un fureteur originel continuera d’entrevoir les énergies qui croisent sa route pour une décennie ou une heure et s’y confient comme des extensions probables de lui-même.
Des listes, des collections…
L’exercice de réflexion sera sans doute le seul hobby devant lequel un tel tempérament n’eut point pris fuite. Au contraire, établir des liens, connecter des informations et percevoir à quels ensembles plus larges elles se rapportent, demeurent des besoins. Disséquer notre époque confuse n’est pas de tout repos et pour mon cas, l’investigation débutait lorsque mes parents décidèrent de mon baptême en 1995. Combien se jurèrent qu’il leur fallait à tout prix savoir dans quel idéal ils se retrouvaient enrôlés et pour quelle cause offrait-on leur vie spirituelle au poinçon de ses Écritures ? Une quête qui mène à beaucoup d’autres, un périple aux ramifications aussi intéressantes que nombreuses et aux opposés autant séduisants qu’étrangers. Voilà une dimension qui ne quitte plus rien des préoccupations de l’attentif. La fibre détective assumée et le regard inquisiteur se languissent de la moindre zone d’ombre ; et qu’est-ce que notre espèce en occasionne ! Entendons bien. Par nature, le véritable compagnon des savoirs ne se sent plus légitime qu’un autre. Pour être honnête, il avouera que c’est avec un sentiment d’imposture qu’il s’enhardit à imaginer parfois un recueil publié à ses initiales, et que la puissance familière de grands intellects lui donne foi. Un prépubère de onze ans qui écrivait ses premières pensées, ses premières rimes de collapsologie au sujet d’une fin symbolique du monde — constat d’une civilisation en déclin, avènement d’une ère neuve — subjugué par la puissance de l’Apocalypse d’un Jean ; ce juge strict d’innocence, il me regarde et sourit. Je crois qu’il marmonne : « Enfin… » et se réjouit que je m’y mette tard plutôt que jamais. Le rejoignent l’adolescent et le jeune homme, eux aussi auteurs de textes, chansons, mémoires, notes, idées, pensées, journaux oniriques, scénarios et diatribes en tout genre. Peut-être ferons-nous, tous ensemble, le satisfaisant destin du vieillard.
La folie de m’autoproclamer maître ne m’ayant pas encore frappé, c’est bien ouvert aux possibles, en éternel apprenti, que j’entamerai la sévère tâche de détailler par les suivants chapitres mes bataillantes conceptions, à contre-courant, une fois ces pénibles et égocentriques présentations laissées loin derrière. J’y mettrai en mots les failles et les entraves qu’il m’appartient de constater dans ce qui constitue l’Homme, surtout occidental, le moderne auquel j’échappe peu à peu, lui préconisant, par le mirroir de mon regard, le goût de la perfectibilité en ce qui concerne ses faits et gestes, pour et vers une grandeur latente, sans me soucier de ce qui aurait pu être dit ailleurs ou avant. Dans les bienfaits de l’introspection, je réussis à encourager l’entreprise longtemps procrastinée d’une gravure des étirements et des contractions de ma psyché, au minimum pour m’en soulager dans une humeur : cogito ergo scribo.
C’est, généralement, enrichit d’un vécu intensément varié et de la fécondité d’un isolement prolongé sur plusieurs années, après la longue nuit noire de l’âme venue, celle qui déchire les plus intimes mensonges, que l’évolué de sa déconstruction se risque à l’exposé de quelques réflexions brutes.
Cœur bienveillant, embourbé dans de similaires efforts, extirpe ce que tu en conviens nécessaire quand, tant de fois, on m’interrogera avec mépris : « Pour qui te prends-tu ? Comment t’autorises-tu ces laïus ? »
À quoi je répondrai que je suis un humain qui parle de l’humanité.